L’enfance en tant qu’objet historique est à la fois origine et fondement. Elle est le temps de tous les possibles, des futurs non advenus. Mais elle se conjugue différemment selon les époques. Car il est des enfants violents, comme durant les guerres de religion, des enfants guerriers, des enfants qui s’émancipent de leur famille, comme au temps du nazisme. Des enfants suturés par le social et le politique…
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«Tout est à refaire de l’école élémentaire»
Évoquer l’école, c’est se poser d’emblée la question des inégalités. C’est remonter le temps afin de comprendre comment se sont articulés la demande de justice sociale et l’accès à l’instruction. Lepeletier de Saint-Fargeau (1760-1793) d’un côté, Condorcet (1743-1794) de l’autre. C’est interroger l’alliance de la République et de l’École sur la longue durée. Et se demander pourquoi l’école n’est plus capable aujourd’hui d’être le creuset de la souveraineté populaire.
«Un texte est toujours sonore»
N’étaient, Rousseau, Nietzsche, Adorno, les philosophes se sont peu intéressés à la musique. Au son, depuis Platon, ils ont préféré la vue, l’œil, qui permet d’objectiver les objets et de saisir le monde. François Noudelmann rétablit l’importance de l’oreille, de l’écoute, du son ; selon lui, un texte est aussi sonore qu’une partition. Il rappelle que la psychanalyse est un art de l’écoute. Et que toute lecture fait émerger des vibrations, des rythmes, qui sont liés aux affects et à la mémoire. Il lit avec les oreilles les philosophes. Il fait entendre « le cri du concept ».
«L’éducation est perçue comme l’instrument de la survie sociale»
Dans un retour à la vision de Condorcet notamment, Emmanuel Todd fait de l’éducation le déterminisme principal des inégalités sociales en France. L’instruction publique, qui était censée favoriser l’ascenseur social, a produit l’effet inverse. Depuis les années 1970-80, les classes populaires n’ont plus accès à l’enseignement supérieur. Ce blocage crée de nouvelles formes d’inégalités sociales et culturelles, source d’instabilités sociales et politiques.
«L’espérance n’est pas théorique, elle est charnelle»
Pour Jean Birnbaum, la fraternité universaliste des ouvriers qui s’unissaient derrière l’espoir d’un monde meilleur en 1936 pendant la guerre d’Espagne a été remplacée au XXIe siècle par une fraternité universaliste macabre : celle du Djihad, qui ne nourrit pas l’espoir d’un monde meilleur, mais celui de la fin du monde, substituant ainsi à l’espérance de vie, une espérance de mort. Reste à réinventer une espérance d’émancipation qui passe par l’invention d’un au-delà du monde présent, tout en tirant les leçons de ce que nous ont laissé nos aînés.
«La seule façon de dire nous, c’est l’Europe»
« Je ne suis pas devenu historien du nazisme pour éviter la prochaine séquence », affirme Christian Ingrao. Le jour où il a passé son agrégation, le 11 juillet 1995, se produisait le massacre de Srebrenica. Ce qui ne l’empêche pas d’être un européen convaincu. L’Europe au regard de l’expérience vécue par les générations qui ont traversé les deux guerres, n’est plus habitée par le deuil. Elle est en panne d’avenir, mais elle demeure malgré tout le seul avenir que nous ayons.