Concept inventé par les anthropologues occidentaux de la fin du XIXe, l’Animisme serait une forme de religion constituée de croyances infantiles, et qui se devait d’être abandonnée au fur et à mesure que l’humanité entrait dans l’âge adulte, c’est-à-dire celui de la raison. Au contraire, Achille Mbembe en fait le pivot d’une « cosmologie élargie » où les êtres humains reconnaitraient enfin leur interdépendance avec leurs voisins animaux, minéraux et végétaux. Cela permettrait ainsi de s’opposer à un autre animisme, contemporain celui-ci, capitaliste en diable, résolument tourné vers la production infinie des objets et le calcul de tout ce qui existe.
A
«S’intéresser aux animaux, c’était jugé futile!»
Fasciné par le corbeau, le plus intelligent des animaux, le plus joueur, le plus rusé, Michel Pastoureau lui a consacré en 2021 un de ces plus beaux livres. Il nous offre ici un aperçu de ce qu’il a appris en sa compagnie et celle d’autres animaux. Le taureau, le plus sauvage des animaux domestiques, qui servit d’emblème au pape Alexandre VI Borgia (1492-1503). Le loup et la bête du Gévaudan qui terrorisa la population dans les années 1760. Il nous invite à ne pas regarder le passé avec les lunettes de notre présent.
« Nous n’avons besoin de morale que faute d’amour »
Pour être un sentiment historique, l’amour n’en est pas moins une donnée constitutive de notre humanité. Mais il a plusieurs visages et les formes qu’il prend sont au nombre de trois. « Eros » le lie au manque, « philia » à la joie, « agape » à la charité. Car « aimer », ce n’est pas seulement attendre de l’Autre qu’il vous comble, c’est aussi savoir « exister un peu moins », ne pas s’imposer à l’Autre, savoir se retirer, pour permettre à ses enfants, par exemple, d’exister un peu plus.
«La différence est plus intéressante que la ressemblance»
Les affinités entre les êtres sont le fruit du hasard. Elles relèvent de l’élection, de la rencontre inattendue. Selon François Noudelmann, elles renvoient à des domaines aussi divers que l’ontologie, la sociologie, la psychologie, voire le naturalisme de Darwin, qui fut le premier à déjouer les pièges de la ressemblance analogique. Car pour être d’apparence différente le crocodile et l’oiseau appartiennent à la même lignée. Preuve qu’il n’est pas besoin de se ressembler pour s’assembler ! Comme le font les humains qui entrent en relation sans se connaître, se découvrent des affinités. Surpris que ça colle entre eux, en dépit de leur différence…
«La philosophie est une affaire d’accouchement»
Socrate considérait l’accouchement comme la métaphore même du travail philosophique, se décrivant comme une sage-femme faisant « accoucher » la sagesse chez autrui. Pourtant, l’événement de la naissance n’intéresse pas beaucoup les philosophes. Adèle Van Reeth s’en étonne et revient sur la grossesse pour en comprendre la singularité. Elle s’interroge sur ce moment inouï où son corps devient le moyen de faire advenir une autre vie. Elle s’ébahit de cet amour qui précède toute rencontre. Et bouscule nos certitudes face à ce réel vacillant.
«Le surgissement gracieux de la différence»
On ne parlera pas ici de “cause animale”, mais des animaux en soi : de babouin, d’éléphant, de girafe, de rapace, ou de lapin de garenne. Avec l’émerveillement de l’enfant et l’attention que ces êtres requièrent et avec qui nous coexistons. L’animal est évidemment “autre”, mais en similitude : il respire, mange, partage des sens. Il n’y a pas de coupure absolue. Plus nous serons attentifs aux animaux, plus notre sensibilité grandira.