Loin de limiter le mutisme des appelés en Algérie à sa dimension pathologique et mono causale, l’historienne Raphaëlle Branche analyse le silence comme une relation entre différents membres d’une même communauté ou même famille. Ainsi, les silences prennent parfois l’aspect d’un secret gardé pour soi, mais peuvent être aussi révélateurs de cohésion, ou bien d’un héritage inconscient qui franchit la barrière des générations. Une belle leçon de probité.
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«Le soin, c’est ce qui réinvente la solidarité»
Après s’être penchée sur ce vieux mot de sollicitude, cette disposition morale, qui nous enjoint de secourir autrui, Fabienne Brugère a exploré les pratiques de soin et de care non seulement vis-à-vis des précaires, mais aussi du côté des arbres et des sols. Elle a fait droit à l’écoféminisme et a ainsi donné sens à son engagement féministe qui repose sur deux piliers : le souci des autres et le souci du monde.
«C’est le code du travail qui a permis d’instituer le travail»
Fervent défenseur du salaire à la qualification à la personne, appelé communément le salaire à vie, Bernard Friot, en restitue ici l’histoire, depuis la création du Code du Travail (1910), suivie de celle des conventions collectives (1919), du régime général de sécurité sociale et du statut de la fonction publique (1946) jusqu’à la Sécurité Sociale Professionnelle prônée par la CGT à partir des années 1990. Il précise ainsi ce qu’il entend par le « salaire communiste ».
«On ne peut s’occuper seulement de la raison»
Sensations, émotions, désirs et affects inconscients, c’est peu dire que la sensibilité nous gouverne en même temps qu’elle nous façonne. Il appartient à l’historien de devoir retrouver les façons de sentir et de ressentir, les manières d’éprouver des femmes et des hommes du passé ; de revaloriser cette part du sensible essentielle à la compréhension de l’esprit d’une époque.
«Apprenons à fabriquer des flux entre les disciplines»
Il n’est plus possible aujourd’hui d’établir une hiérarchie entre toutes les disciplines scientifiques. L’interdisciplinarité est la règle. Il n’est plus de science souveraine. L’important est de créer des intrications entre les disciplines, de construire un espace de pensée, de bâtir des scénarios pour le futur. Car on ne peut synthétiser toutes nos connaissances. Il convient de tenir compte du non-savoir, de laisser une place à l’éthique.
«Aucune société ne peut se passer du sacré»
Régis Debray est amer. « C’est le grand échec de ma vie intellectuelle », commence-t-il par affirmer. On le comprend, lui qui a publié un des plus beaux livres sur ce que ce mot recouvre : « Jeunesse du sacré » (2012). Le sacré, c’est « ce qui interdit le sacrilège et justifie le sacrifice », dit-il. Il n’est donc pas d’essence religieuse. Il n’est pas que divin. Loin s’en faut ! Dans la crypte du Mont Valérien, le cœur se serre. Devant le mausolée de Lénine, on ne fume pas un cigarillo. À La Mecque, on ne chante pas du rock. Sous l’Arc de Triomphe, on ne pisse pas sur la tombe du Soldat Inconnu. On se tient. C’est cela un lieu sacré. Un lieu qui vous impose une limite, un espace qui « est soustrait aux rapports marchands ». S’il est une leçon à retenir, c’est celle-ci : aucune société ne peut se passer du sacré.