Depuis la parution de son livre Les pathologies de la démocratie (2005), Cynthia Fleury n’a de cesse de s’interroger sur les conditions de possibilité de « la foi » démocratique, qu’elle appelle parfois foi publique. Empruntant au langage médical la notion de pathologie, elle tente de faire obstacle au débordement émotionnel qui selon elle caractérise l’individualisme contemporain. Elle s’inquiète ici de la fatigue et de la frustration qu’il génère. Un bel exposé d’éthique minimale !
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«Trouver une voix»
Comment se sentir représenté ? Comment faire que ma voix compte ? Il faut prendre sérieusement en compte la capacité des citoyens, leur faire confiance, nous dit Sandra Laugier, qui promeut une “démocratie radicale”. S’inspirant du penseur américain Ralph Waldo Emerson, elle parle de “confiance en soi”, non pas comme contentement de soi, mais comme une visée, allant au-delà de soi. La démocratie, c’est la volonté constante d’être meilleur individuellement.
«La démocratie est inachevée et inachevable»
Dominique Schnapper parle volontiers “d’utopie démocratique”, au sens où la démocratie repose sur un idéal : les hommes sont libres et égaux, mais comme tout idéal il est inatteignable. Il suffit de regarder les démocraties des pays “riches” pour s’en rendre compte. Pour autant, c’est au nom de cet idéal qu’il convient de mettre en place des institutions. La sociologue ne cache pas son inquiétude sur la situation actuelle : les institutions n’étant plus à la hauteur des idéaux démocratiques, elles risquent de s’effondrer.
«La démocratie doit demeurer sensible au cœur»
Dans la tradition de Claude Lefort ou Jacques Rancière, Michaël Foessel parle de démocratie en tant qu’elle est le pouvoir de “n’importe qui”. Sensible, car si elle n’est pas juste proclamée, mais vécue, la démocratie et son idéal égalitaire relèvent directement de la sensibilité. Le philosophe prend l’exemple de la nuit où, la vision étant amoindrie, les hiérarchies du regard sont annihilées, et la diversité acceptée.
«Pourquoi la démocratie n’existe-t-elle pas depuis toujours ?»
Il existe un heurt constant entre les aspirations populaires et les conditions pratiques permettant de réaliser la démocratie. On assiste à l’époque moderne à une mise en place d’une nouvelle organisation de la société basée sur trois axes essentiels : l’État-nation, les Droits de l’Homme, et la rupture d’avec la Tradition. Ces bases structurelles sont ce qui détermine la dynamique des sociétés démocratiques. Comment satisfaire les libertés individuelles et inventer une volonté collective capable d’orienter l’avenir de nos sociétés ? Pour l’heure, conclut Marcel Gauchet, « les choses nous échappent ».