C’est en 1982, à l’occasion d’une polémique sur la corrida, que Nathalie Heinich commence à s’intéresser à ce qu’on appelle le conflit des valeurs, opposant les partisans de l’éthique animale et les esthètes patentés. Forte de cette analyse, elle s’est passionnée pour ce qu’on nomme valeur, en analysant notre propension à juger et à évaluer de façon à comprendre nos jugements quotidiens, sur les choses, les personnes, les actions et les états du monde.
V
«On a construit une civilisation de la désensibilisation»
La science moderne, depuis Descartes, a déconsidéré le vivant au point de le réduire à une simple mécanique comparable à un automate. À rebours de cette histoire qui nous a conduits à penser que tout est mécanisable, les animaux, les plantes, et aujourd’hui notre esprit, le philosophe entend réhabiliter l’idée que le vivant pense, sent, et ne peut se réduire à des opérations algorithmiques.
«Comment parler du viol en temps de guerre»
Ayant constaté au milieu des années 1990 un impensé du travail historique sur la question des viols en temps de guerre, l’historienne insiste depuis sur la nécessité de ne pas les euphémiser, de restituer cette violence qu’elle décrit comme « relationnelle », autant du point de vue du groupe d’agresseurs que de l’ensemble des victimes. Ses recherches contribuent ainsi à lutter contre le caractère « inéluctable » du viol en temps de guerre, ou de paix ?
«Le vide n’est pas le néant»
Un beau matin, la voisine d’Étienne Klein l’entreprend par ces mots : « Étienne, vous devriez apprendre à faire le vide ». L’injonction lui va droit au cœur. L’alpiniste amateur se met au travail et écrit son traité sur le vide, Ce qui est sans être tout à fait (2019). Il s’enquiert de la pensée de Démocrite sur le vide et le néant (460-370 avant JC), fait revivre la querelle du vide au XVII siècle, avec Pascal, qui prouva que la nature n’avait pas horreur du vide. Il nous éclaire sur ce qu’on appelle le vide quantique. Car si le vide, c’est ce qui reste quand on a tout retirer : est-il possible d’extraire l’énergie contenue dans les champs quantiques ? Et pour revenir à sa voisine, il conclut en affirmant qu’aujourd’hui ce n’est pas le vide qui nous guette, mais le trop plein, les sollicitations multiples qui nous empêchent de faire le vide !
«La violence n’est pas une fatalité»
La philosophie s’intéresse souvent aux causes de la violence, plus rarement à ses effets. Marc Crépon décèle deux effets communs à toutes les violences : la destruction de la confiance en l’autre et la réduction constante de l’autre à l’objet d’une force. Si le philosophe refuse inconditionnellement toute forme de violence, il est conscient que nous sommes parfois condamnés à en user. Pourtant la violence n’est pas une fatalité : sa critique, la honte qu’elle produit, la bonté et la révolte qu’on peut lui opposer, sont quelques-unes des voies qui permettent d’en sortir.
«L’expérience centrale de la guerre, c’est la bataille»
La notion de “violence de guerre” apparaît à la toute fin du XXe siècle, avec le retour des conflits en Europe. Les deux derniers siècles n’ont certes pas inventer les massacres de grandes échelles, mais l’invention de la poudre à canon, notamment, va radicalement changer la donne. Les guerres deviennent industrielles, à l’image des pays qui les fabriquent. La troisième révolution industrielle, bien qu’informatique et distante, fait craindre une nouvelle guerre totale.